Le mythique commandant de la Calypso va bientôt débarquer dans vos cinémas. L'odyssée, film de Jérôme Salle consacré à Jacques Yes Cousteau , sort dans les salles le 12 octobre. Lambert Wilson a appris à plonger : il sera Cousteau, accompagné de Pierre Niney, et Audrey Tautou. Un film qui retrace l'évolution d'un homme en phase avec la nature à une époque où le terme écologie n'avait pas encore franchi les barrières du grand public. La Croatie, l’Afrique du Sud, l’Antarctique et les Bahamas dont le décor naturel de cette fiction de 2 heures
ENTRETIEN AVEC LE RESALISTATEUR JEROME SALLE
Avant même d’avoir l’envie ou l’idée de lui consacrer un film, qu’est-ce que le nom de Cousteau évoquait pour vous ?
Cela me ramène à l’enfance... J’ai été élevé dans le Sud de la France, mes parents avaient un voilier et nous naviguions dans les endroits où Cousteau a plongé en premier, entre les Embiez, Porquerolles, toutes ces îles du Var. Je garde aussi évidemment le souvenir de ses documentaires à la télé. Dès le départ, ce personnage et son œuvre étaient liés à ma propre vie...
C’est un projet qui a mis du temps à se monter, nous en reparlerons, mais quelle en a été l’origine ?
Tout part d’un de mes enfants. Je me retrouve à parler de Cousteau à la maison et je m’aperçois que mon fils ne voit absolument pas de qui je parle. Il ne connaissait rien, ni les films, ni la Calypso, ni les bonnets rouges de l’équipage ! C’était incroyable car pour les gens de ma génération, le commandant Cousteau c’était un peu Jésus Christ, l’un des hommes les plus connus au monde... En discutant autour de moi, j’ai réalisé qu’il était en train de tomber complètement dans l’oubli pour les moins de 20 ans, voire les moins de 30 ans. J’ai donc commencé à regarder ce qui était écrit sur lui. Sur internet, dans les livres, j’ai revu des documentaires et tout cela au final a réveillé une nostalgie d’enfance. Je me suis également aperçu qu’à part le film de Wes Anderson « La vie aquatique », aucun projet de cinéma n’avait jamais abordé ce destin exceptionnel... A partir de là, j’ai tiré comme sur le fil d’une pelote et j’ai vite senti un mystère : on sait très peu de choses sur Jacques- Yves Cousteau. Il maîtrisait parfaitement sa communication en se filmant avec son équipage mais sans jamais rien révéler de son intimité.
La difficulté ensuite j’imagine c’est de choisir un angle, un axe pour l’histoire que vous voulez raconter, à partir d’un parcours de vie aussi riche et secret à la fois...
Absolument et j’ai eu un mal de chien à le faire, d’autant que j’ai réalisé deux films entre temps, « Largo Winch 2 » et « Zulu ». Il m’a honnêtement fallu plusieurs années avant d’obtenir un scénario qui me convienne... Avec Laurent Turner, co-scénariste du film, nous avons lu tout ce qui a été écrit sur cet homme, puis rencontré ceux qui l’avaient connu parce que toutes les zones d’ombre qui entourent Cousteau m’empêchaient d’appréhender véritablement un personnage qui a vécu tant de vies en une seule... Nous avons d’abord effectué un immense travail de journaliste plus que de scénariste. Et une fois celui-ci effectué, nous nous sommes attelés à l’écriture. Je crois que c’était un bon scénario -en tout cas il plaisait- mais j’avais une petite frustration de mon côté. Le sentiment d’être un peu trop classique, un peu trop biopic d’une certaine manière. C’est sans doute la rencontre avec les acteurs qui a débloqué les choses. Pierre Niney, avec qui je voulais travailler, m’a conforté dans l’idée d’accorder plus de place au personnage de Philippe Cousteau, l’un des fils du commandant. A ce moment, l’opposition entre lui et son père m’a paru une évidence pour construire l’histoire du film... J’ai donc réécrit une nouvelle version en enlevant au passage une première partie sur la jeunesse de Cousteau, ce qui avait l’avantage de me permettre de proposer le rôle à Lambert Wilson qui m’a dit oui presque immédiatement, heureusement. Lors de cette dernière réécriture je suis reparti quasiment de la feuille blanche et pourtant je l’ai rédigée d’une traite en trois semaines. Grâce à ce nouvel angle, j’avais une vision très claire de ce que je voulais raconter. Mais que les choses soient claires, cela n’a été possible que grâce à l’immense travail que nous avions effectué avec Laurent durant plusieurs années ! J’ai moi-même été scénariste et je sais à quel point on oublie parfois les auteurs des premiers jets alors que c’est de loin la part la plus difficile du travail. J’ai adoré travailler avec Laurent mais je crois qu’à ce moment, pour cette réécriture, j’avais besoin d’être seul face à mon sujet, dans l’intimité.
Il y a quand même deux aspects du destin de Cousteau qui auraient pu vous faire hésiter à en faire un film : sa famille et le côté patrimonial du commandant...
Pour le premier point, c’est vrai que Jean-Michel Cousteau est toujours en vie, ainsi que les enfants de Philippe. J’ai rencontré tout le monde assez tôt, en leur disant clairement ce que j’avais envie de faire et comment j’allais le faire. Je leur ai aussi précisé que ce ne serait pas un documentaire mais un vrai film de fiction, du cinéma avec une notion de divertissement. La famille Cousteau et même ceux qui ont travaillé avec lui ne devaient donc pas s’attendre à une hagiographie. Je leur ai dit : « n’oubliez pas que ce film n’est pas pour vous en priorité mais bien pour des spectateurs qui ne connaissent pas bien le sujet »... Quant au côté iconique de Cousteau, ça ne m’inquiétait pas vraiment. Ce n’est pas le sujet du film même si évidemment on montre la renommée du commandant à travers le monde et son impact sur la protection de l’environnement vers la fin de sa vie...
Il est vrai que « L’Odyssée » offre avant tout le portrait d’un homme, avec ses doutes, ses failles, ses manques, ses contradictions...
Oui et c’est ce qui m’a frappé en parlant avec des gens qui ne l’avaient jamais rencontré : à quel point son image était contrastée. Il y a ceux qui l’adorent et sont fascinés et puis il y a ceux qui parfois le détestent, souvent sans bien le connaître d’ailleurs. Certains le confondent avec son frère, Pierre-Antoine Cousteau. Jacques- Yves, lui, a eu la Légion d’Honneur pour faits de Résistance, même si sur le fond comme Giono, il considérait la guerre comme une absurdité qui ne l’intéressait guère. D’autres, comme Gérard Mordillat, l’ont mis en cause en lui reprochant d’avoir massacré des requins et de ne pas avoir toujours respecté la nature à ses débuts. Mais justement, c’est aussi ce qui est intéressant avec Cousteau : l’évolution de son rapport avec la nature. C’est quelqu’un qui résume formidablement bien le 20e siècle, dans la relation de l’homme avec son environnement. Dans les années 40, il a chassé sous l’eau sans aucune limite grâce au détendeur qu’il avait inventé avec un ingénieur d’Air Liquide, Emile Gagnan. Puis dans les années 50, il a collaboré avec les pétroliers, recueillant des échantillons afin de trouver les emplacements des futurs forages off-shore ! Mais il faut se remettre dans le contexte. A cette époque l’homme se sentait tout puissant et la nature devait être domptée, ses ressources exploitées sans état d’âme. On pensait que la planète ne serait jamais en danger. Cousteau a ensuite été le premier à prendre conscience de cette erreur. Il est alors devenu le premier des écologistes. Mais il n’a jamais tenté de cacher ses erreurs passées et c’est tout à son honneur ! Beaucoup l’ont poussé à remonter “Le Monde du Silence” par exemple pour enlever les scènes choquantes comme le massacre des requins. Il a refusé car il pensait que le film devait rester comme un témoignage des erreurs commises par l’homme à cette époque, lui compris.
Un projet d’une telle envergure, tourné au quatre coins du monde, nécessite un certain budget. Comment avez-vous vécu cette recherche en financement ?
Ça a été un enfer ! C’est de loin le film que j’ai fait qui a eu le plus de mal à se financer... A l’échelle de la France, c’est évidemment un gros budget mais on n’a jamais assez d’argent au cinéma ! Je dois dire que « L’Odyssée » a été le résultat de l’investissement de chacun, j’entends par là que tout le monde a fait des efforts. Les acteurs en premier mais aussi les producteurs et moi bien sûr. Nous voulions tous que ce film puisse exister. C’était la blague qui courait durant le tournage : « on fait ça pour la planète » ! Je peux vous assurer que personne n’a fait ce film pour l’argent en tout cas ! Pour tout vous dire à la fin du tournage, nous avons manqué d’argent pour tourner des séquences sous-marines dont une avec des requins dont j’avais vraiment besoin. Mes quatres producteurs, Nathalie Gastaldo Godeau, Marc Missonnier, Philippe Godeau et Olivier Delbosc l’ont compris et m’ont suivi, en prenant un réel risque financier. Je tiens à les en remercier, ce n’est pas si fréquent.