7 juin 2012

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) tire la sonnette d'alarme dans son cinquième rapport sur les perspectives écologiques de la planète (GEO-5), rendu public à deux semaines du sommet dit Rio + 20, au Brésil, qui sera l'une des réunions internationales les plus importantes qui soient consacrées à l'environnement ces dernières années. 

Réfléchir à de nouveaux scénarios d’avenir apparaît comme une condition indispensable à la survie de la planète. C’est ce que se propose de faire Bertrand Guillaume, enseignant-chercheur à l’Université de technologie de Troyes dans son ouvrage co-écrit,Scénarios d’avenir.  L’écrasante majorité des scientifiques s’accorde sur la réalité du réchauffement climatique. L’heure n’est plus aux doutes : il faut combattre le mal. Mais comment ? Les scénarios divergent. Certains militent de longue date pour la conclusion d’un accord mondial, juridiquement contraignant, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. D’autres balayent cette option d’un revers de main. Comme le montrent les auteurs, si ces options de « géoingénierie » sont parfois crédibles, elles portent en elles de lourdes menaces climatiques, environnementales et géopolitiques. Elles permettraient aussi à quelques entreprises de réaliser, sur la planète, la plus gigantesque OPA de tous les temps. 

Bertrand Guillaume est maître de conférences à l’Université de technologie de Troyes, professeur associé à l’Université de Sherbrooke (Canada). Spécialiste des questions climatiques, Valéry Laramée de Tannenberg est rédacteur en chef du Journal de l’Environnement, journaliste à L’Usine à GES.

Trois questions à Bertrand Guillaume, auteur de « Scénarios d’avenir »

1/ Pouvez-vous définir, en quelques mots, le concept de « géoingénierie » ?

On peut définir la géo-ingénierie comme un ensemble de techniques visant à manipuler délibérément l'environnement à plus ou moins grande échelle dans le but de diminuer les impacts des activités humaines sur le milieu naturel, d'en améliorer les services rendus, ou de contrôler les rétroactions du vivant sur la géochimie de l'environnement.

 2 / Vous parlez de « Scénarios d’avenir » au pluriel ; quels sont-ils et  en quoi prennent-ils le contre-pied des solutions proposées jusqu’à  maintenant ?

Nous vivons dans un monde où domine une philosophie de l'homme libre et responsable, capable de participer à la construction du futur. Mais paradoxalement, la crise écologique semble de plus en plus s'ériger en destin inéluctable. Ce que nous avons voulu montrer dans ce livre, c'est qu'au-delà d'un certain nombre de déterminismes environnementaux et de limites objectives, il n'y a pourtant pas de solution technique univoque et miraculeuse pour résoudre la crise écologique, et que au-delà de l'expertise sur les moyens, le défi pour ré-ouvrir les possibles consiste aussi à engager une discussion sur les fins.

3/ Quel(s) rôle(s) les écoles d’ingénieurs ont-elles à jouer dans la  prévention des risques environnementaux et la mise en œuvre des  solutions que vous suggérez dans l’ouvrage?

Les écoles d'ingénieur, mais de manière plus large tous les établissements supérieurs d'éducation, ont un rôle éminent à jouer dans le contexte environnemental contemporain, dans la mesure où il s'agit pas moins que de former la génération qui va devoir déployer la transition écologique au plan technique, économique et social (réinventer l'habitat, l'énergie, la mobilité...), mais aussi probablement, à la lumière des données scientifiques et de questionnements philosophiques, refonder l'idée de progrès pour elle-même et pour autrui.