15 novembre 2006

A la croisée des chemins, en ces douces matinées d'un automne un peu trop chaud pour être réel, nous avons rencontré Gérard Le Bris, de St-Thurien, l'un des 4 derniers bouilleurs ambulants du finistère pratiquant un métier ancestral qui comptait plus d'une centaine de représentants il y de cela seulement cinquante ans.

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Tout, sauf le musée !

Mais il ne s'en cache pas : il aura de plus en plus de mal à vivre de son métier. L'Etat, depuis toujours, a son mot a dire sur cette activité quelque peu subversive : la circulation des alcools forts qui sortent de son alambic, acheté en 84 dans le pays de Mayenne, est minutieusement réglementée et controlée par les douanes. A 45 euros la passe, Gérard distille pour les particuliers qui produisent leur propre cidre environ 20 litres d'eau de vie (lambig) à 50°C. Et l'opération s'accompagne de son lot de formalité : la loi autorise les bouilleurs de cru à distiller 1000°C d'alcool par an. C'est là que le bât blesse : cette loi changera en 2007, instaurant pour les détenteurs de ce qui est perçu comme un privilège une taxe de 75 euros par an. La plupart des personnes agées, principaux clients du bouilleur ambulant, risquent d'être dissuadés de perpétuer une tradition qui va évidemment au delà du simple breuvage : c'est un véritable produit de luxe que fabrique cette machine d'un autre temps, dont l'exemplaire de Gerard Le Bris est l'un des derniers à être alimenté au feu de bois, absorbant tous les jours l'équivalent d'une corde (3m3) de bois.

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Car, se plait à développer Gérard Le Bris, son lambig est un produit 100% naturel : tout ça n'est que "chistr a dour", de l'eau eau et du cidre. Cidre qui bien sur est pressé à partir de pommiers dispersés dans les innombrables vergers familiaux de la campagne bretonne d'avant le remembrement. Car c'est à une véritable tradition sociale que s'attaque l'état : distillé pour la famille, le lambig arrose les amis : remerciements, trocs, il symbolise une solidarité locale que l'état ne peut tolérer. L'alcool est dangereux, dit-on à l'assemblée nationale (voir discussions autour de l' article 17ter ) ! En attendant qu'une mobilisation efficace se mette en place pour sauver ce qui reste d'une civilisation millénaire, souhaitons que l'alambic de Gérard Le Bris continue paisiblement son activité de longues années plutot que d'aller renforcer, pas très loin de là, la fière équipe de la Maison des vieux métiers, à Argol.