9 août 2006

Alors que le Nigeria, avec ses 2.5 millions de barils quotidien, est l'un des plus gros producteurs de pétrole de la planète, largement investi par les richissimes multinationales (BP, Total, Shell, Elf, Chevron), les villageois ne sortent pas de leur pauvreté. Regardez pour vous en convaincre le documentaire de Paul Salopek : les milliards d'investissements ne parviennent pas à remplir leurs barques de pêcheurs. Mais il y a de l'espoir, et celui ci ne vient pas du pétrole mais du soleil, dont la capacité énergétique est bien plus saine : renouvelable, gratuite, indépendante. Seul hic : l'investissement de départ, nécéssaire à l'équipement en capteurs photovoltaïques. Bishop Kodji, sur une petite île au large de Lagos, capitale du Nigéria, est ainsi devenu le premier village à être électrifié à partir du projet pilote d'énergie solaire du gouvernement de l'Etat de Lagos.

Avant la mise en place du projet, le village qui compte une population de 5.000 habitants, n'a pas connu l'électricité depuis son existence.

Pour fournir des services à l'île, ce qui ne peut être réalisé que par bateau, le gouvernement a décidé d'y lancer le projet solaire en mai.

Dix-neuf autres villages reculés bénéficieraient également du projet avant la fin de l'année, selon des officiels du gouvernement de l'Etat.

"Le climat tropical fait de l'énergie solaire la source alternative d'énergie renouvelable la plus viable au Nigeria. Exploiter l'énergie du soleil pour produire du courant est un impératif pour les zones rurales où l'espoir d'être connecté au réseau national est très limité et extrêmement coûteux", a déclaré Kadiri Hamzat, commissaire de l'Etat de Lagos pour la science et la technologie, en juin à Ikeja, la capitale de cet Etat. Il faisait un briefing aux journalistes sur les activités de son ministère pendant l'année écoulée.

Hamzat a dit que la technologie de l'énergie solaire est moins coûteuse que l'énergie générée par le nouveau 'Power Holding Company of Nigeria' (PHCN) qui a remplacé l'Autorité nationale d'énergie électrique (NEPA), bien que la fourniture de l'énergie se soit dégradée depuis sa création. En principe, seul le nom a changé, le personnel de NEPA travaille toujours dans la nouvelle compagnie.

Hamza a indiqué : "Cela coûte environ 150 millions de naira (environ 1,2 million de dollars) pour connecter chaque village au réseau national, tandis que le projet d'énergie solaire coûte seulement environ 10 millions de naira (à peu près 83.000 dollars) par village".

Un projet similaire lancé en 2002 par le gouvernement nigérian, grâce à l'assistance du gouvernement japonais, a éclairé 200 communautés rurales dans les Etats d'Imo, Ondo et Jigawa ainsi qu'à Abuja, la capitale de la nation.

Au cours d'une visite à Tokyo, au Japon, en septembre 2001, le président Olusegun Obasanjo a demandé au gouvernement japonais d'aider le Nigeria avec de l'énergie solaire bon marché pour améliorer la fourniture d'électricité du pays.

Au Nigeria, l'énergie solaire est utilisée pour une variété d'applications comme l'électrification villageoise, le pompage d'eau et l'irrigation des champs.

Au village de Bishop Kodji dont l'activité principale est la pêche et la construction de bateau, les habitants sèchent maintenant du poisson par un séchoir alimenté à l'énergie solaire et suivent les programmes de télévision dans l'unique hall de la communauté, pendant que les églises, les mosquées ainsi que l'artère principale ont été éclairées.

"Le projet nous a procuré une grande joie et nous a apporté un grand soulagement. Il a rapproché la gouvernance plus près de nous et nous avons maintenant accès à l'information plus qu'avant quand nous dépendions de la radio alimentée par des piles. Nous pouvons maintenant regarder la télévision et charger nos téléphones portables", a dit à IPS, Solomon Hennu, le secrétaire de l'Association de développement de la Communauté de Kodji, lors d'une visite sur l'île vers fin-juin.

Ezekiel Huehunmey, qui est en charge de la seule école primaire du village de Bishop Kodji, est optimiste qu'il y aura une amélioration dans l'inscription des écoliers et de leur présence à l'école.

"La plupart de nos enfants voyagent en haute mer pour pouvoir fréquenter en ville à cause de l'insuffisance des classes. Avec l'électricité et plus de classes, le risque de voir les pirogues transportant nos enfants se renverser sera réduit. Nous pouvons maintenant inscrire plus d'écoliers et gérer deux équipes -- la journée et la soirée", a-t-il dit.

Mais le système solaire n'est pas sans défaut.

La machine est tombée en panne récemment pendant deux jours sur l'île. "Les officiels du gouvernement nous avaient dit, quand ils étaient venus pour la réparation, que c'était parce que le système était surchargé qu'il avait cédé. Ils l'ont remis en service, mais ont conseillé les résidents de ne plus le surcharger", a expliqué Huehunmey.

Les villageois jouissent maintenant de l'électricité solaire la plupart du temps pendant que leurs homologues à Orile, une banlieue de Lagos, connectée à la fourniture de PHCN, continuent d'expérimenter de fréquentes pannes de courant.

"Depuis janvier cette année, nous n'avons pas eu de courant à plein temps dans cette zone. Tout le monde utilise maintenant un générateur", a dit Sunday Onyema, un résident d'Orile. Un générateur de courant coûte environ 66 dollars.

Mais les générateurs aussi viennent avec un prix : le feu. Propriétaire de boutique, Onyema a déclaré à IPS que l'un des occupants a brûlé une maison à un étage après avoir laissé un générateur portatif allumé la nuit, ce qui a rasé tout le bâtiment à la mi-juin. Ilebrick, une pauvre banlieue de Lagos, a aussi été touchée par un feu de minuit le 9 juillet, lorsqu'un co-habitant de l'une des chambres a essayé de remplir à nouveau un générateur portatif.

Au Nigeria, la fourniture d'électricité a été irrégulière durant les 20 dernières années, à cause principalement de la négligence du secteur de l'énergie par les régimes militaires qui ont gouverné le pays dans la plus grande partie des années 1980 et 1990.

Le Nigeria a commencé par jouir de la démocratie à partir de 1999 après que la seconde tentative d'un régime démocratique (1979-1983) a été tronquée par les militaires qui, en 1966, avaient organisé un coup d'Etat qui avait renversé la première République.

Sixième exportateur mondial de brut, selon l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), basée à Vienne, le Nigeria dépend encore de l'importation des produits raffinés. Ses quatre raffineries, avec une capacité combinée de 445.000 barils par jour, opèrent en deçà de leur capacité à cause d'un équipement vieillissant.

Le Nigeria consomme 30 millions de litres de pétrole raffiné par jour alors que ses raffineries produisent ensemble environ 18 millions de litres par jour, laissant un manque de 12 millions de litres à importer, selon le Département des ressources pétrolières, le bras gouvernemental de l'industrie pétrolière.

Plus de 60 pour cent des usines au Nigeria, selon un sondage publié en mai par l'Association nigériane des industriels (MAN), dépendent des générateurs pour la fourniture de leurs principales sources d'énergie et cela, dit-il, a augmenté le coût des produits manufacturés, qui est répercuté sur le consommateur. Ceci a un effet négatif sur la compétitivité des produits locaux, indique la MAN.

Bashir Borodo, le nouveau président de la MAN, a déclaré aux journalistes, à Lagos au début de juillet, qu'ils planifiaient d'installer un générateur indépendant pour fournir de l'électricité aux industries.

"L'expérience des membres avec la fourniture nationale du courant a atteint un niveau frustrant. La situation de l'électricité qui empire a conduit le secteur de la fabrication au bord de l'effondrement", a souligné Borodo. Le générateur est supposé démarrer l'année prochaine.

Borodo expliqué à IPS : "Le système solaire sera trop coûteux pour les compagnies industrielles; donc nous ne pensons pas à l'énergie solaire comme une option pour fournir de l'électricité aux firmes. Le générateur indépendant que nous planifions devra utiliser le gaz abondant du Nigeria pour faire fonctionner les turbines et générer de l'électricité".

Le Bureau des entreprises publiques (BPE), créé par le gouvernement pour liquider les actifs publics occasionnant des pertes, estime les pertes financières découlant de la fourniture irrégulière d'énergie à environ un miliard de dollars par an. Seulement moins de 36 pour cent des Nigérians ont accès à l'électricité.