29 juin 2010

Frustré par l’inefficacité des méthodes traditionnelles d’activisme comme les manifestations, les pétitions, les journées mondiales de sensibilisation, les campagnes de lettres ou courriers électroniques aux gouvernements et organismes de presse ou encore  les boycotts, Brent Schulkin fonde les Carrotmobs à San Francisco en 2008.

Le nom du mouvement évoque la métaphore de la carotte ou du bâton.  Au lieu de boycotter une organisation, une compagnie ou un commerce local (le bâton), le mouvement préfère récompenser un producteur ou une entreprise ayant une démarche plus écologique ou respectueuse de l’environnement en organisant un achat « positif » ou responsable (la carotte).  L’effet s’en retrouve démultiplié si cet achat positif est organisé par une foule (mob) d’activistes locaux.  Ingénieusement surnommé « buycott », cette nouvelle forme d’activisme se veut donc l’inverse du boycott.

Pour l’instant, les activités se caractérisent par des actions courtes et locales, au niveau d’un quartier par exemple.  Munis d’un guide très détaillé, les activistes démarchent les commerçants locaux et demandent à leurs gérants de participer à un processus d’enchères par lequel ils s’engagent à reverser une partie des bénéfices potentiels de l’action dans la réduction de l’emballage, l’augmentation des produits issus du commerce équitable dans leurs rayons, l’investissement dans un système d’éclairage de basse consommation etc.  Le commerce « gagnant » se retrouve donc bénéficiaire d’une journée d’action pendant laquelle une foule rameutée par des communiqués de presse, le bouche à oreille et les réseaux sociaux vient y faire ses achats.   Partant du principe que le moteur de toute activité économique est la recherche du profit (avec parfois des conséquences écologiques désastreuses) mais qu’en même temps nous vivons dans une société de consommation qui ne cesse de s’élargir et qui est de plus en plus sensibilisée aux impératifs environnementaux, le mouvement des carrotmobs s’efforce de concilier ces deux forces contradictoires.  Non plus en essayant de changer les habitudes des uns ou des autres en s’y opposant ou en boycottant mais en essayant de les canaliser vers des modèles de développement durable du côté offre et vers la « consom’action » côté demande.  En d’autres termes, tout le monde y gagne.

Efficacement soutenu par tout l’arsenal disponible des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube et les blogs locaux) le mouvement s’est évidemment mondialisé rapidement (quoique timidement en France) et commence même à évoluer sous d’autres formes comme à Londres.

Ce genre de mouvements s’inscrit dans la lignée d’initiatives similaires comme les indices environnementaux pour les produits de consommation courante (déjà évoqués dans ces colonnes) ou encore le guide électronique Greenpeace qui évalue l’impact énergétique des composants utilisés dans la fabrication des produits électroniques.  En effet, à long terme, ce ne sont plus les multinationales ou les entreprises qui vont dicter les choix des consommateurs mais bel et bien les consommateurs eux-mêmes.  Même si pour l’instant l’activisme des carrotmobs reste encore limité et très localisé, on imagine l’impact que des actions de beaucoup plus grande envergure pourraient avoir sur les pratiques commerciales des grandes multinationales par exemple.