14 novembre 2009

KAMPALA, 10 nov 2009 (AFP). Le cours de la rivière Semliki, frontière naturelle de l'Ouganda et de la RD Congo dans la région des Ruwenzori, a sans cesse dévié depuis 1960, provoquant un casse-tête frontalier dans cette zone riche en pétrole, a-t-on appris de source officielle mardi.

"Nous n'avons jamais eu de frontière officielle. Les colonisateurs ont juste dit: +utilisez la rivière+ et nous avons toujours fait avec", a expliqué à l'AFP une chercheuse de l'Autorité nationale ougandaise de gestion de l'environnement (Nema) Goreti Kitutu.

"Mais nous avons étudié des images satellite des années 60 et avons constaté que la rivière avait depuis changé de cours plus de 100 fois. Vers le sud, l'Ouganda a perdu du territoire mais près du lac Albert (plus au nord), c'est le Congo qui en a perdu", a-t-elle dit, précisant que l'Ouganda avait vraisemblablement gagné 50 km2.

Ainsi, plusieurs communautés ougandaises se retrouvent à présent du côté congolais, à l'instar d'une antenne de télécommunication installée par les ougandais il y a plusieurs dizaines d'années.

La Semliki sépare sur environ 100 km l'est de la République démocratique du Congo et l'ouest de l'Ouganda avant de se jeter dans le lac Albert, autre frontière naturelle entre les deux pays.

Selon Mme Kitutu, la raison principale de la modification du cours de la Semliki est à chercher du côté du changement climatique.

La rivière est notamment alimentée par des sources prenant leur origine dans le massif montagneux enneigé des Ruwenzori.

"Mais comme les températures ont augmenté ces dernières années, un volume toujours croissant d'eau dévale la montagne, provoquant l'érosion des berges et modifiant le cours de la rivière", selon Mme Kitutu.

La Nema a ainsi découvert que la rivière s'était élargie de 10 mètres en moyenne.

La modification du tracé de cette frontière naturelle pourrait avoir des répercussions diplomatiques.

"Cela peut déboucher sur un conflit. Nous savons qu'il y a du pétrole autour et sous le lac Albert, et quand il y a du pétrole en jeu, vous ne savez jamais ce qui peut arriver", a estimé la chercheuse de la Nema.

Des compagnies de prospection pétrolière ont découvert des réserves d'au moins 1,5 milliard de barils de pétrole aux abords du lac Albert. De nouveaux forages sont toutefois prévus au sud-ouest du lac, précisément à l'endroit où la Semliki sépare les deux pays.

Selon une étude récente de l'unité sur le changement climatique du ministère ougandais de l'Eau et de l'environnement, le mont Speke, l'un des plus haut du massif des Ruwenzori, était couvert de glace sur 18,5 hectares en 2006 contre 217 hectares en 1906. Des images satellites prises en 1987, puis en 2005, montrent que la fonte des glaces s'est produite essentiellement ces 20 dernières années.

Une équipe conjointe ougandaise et congolaise est actuellement chargée de mieux définir le tracé de la frontière commune mais elle n'a pas encore publié ses conclusions.