18 novembre 2011

Lancé il y a 2 ans par l'ONG Amis de  la Terre, le prix pinocchio a mobilisé cette année 7094 votants sur le site internet de l'opération, qui chaque année met en avant les meilleures tentatives (et réussites) de green washing, ensemble des techniques visant à s'acheter une bonne conscience par la communication. Cette année, le grand gagnant de ce jeu en ligne est, dans le cadre du projet controversé de l'aéroport de Notre Dame des Landes, le géant du BTP Vinci, concessionnaire de ce futur aéroport, s'il se construit un jour : cela fait 40 ans que les associations de riverains se battent contre le projet. Explication de Romain Porcheron, de l'ONG Amis de la Terre.

Catégorie  : " Plus vert que vert"

La construction de l’aéroport et de ses infrastructures prévoit le bétonnage de près de 2 000 hectares de terres agricoles fertiles et une perte de biodiversité avec la destruction d’un bocage. "Ce projet suscite une opposition locale depuis près de quarante ans, livre Romain Porcheron, chargé de la campagne sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aux Amis de la Terre. Or, pour tenter de minimiser ces impacts écologiques négatifs, Vinci a proposé la création d'une Association pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) dans l'aéroport et une ferme de démonstration en face des parkings. C'est typiquement une démarche de greenwashing."

Catégorie "Une pour tous, tous pour moi !"

L'entreprise sucrière française Tereos, mise à l'index pour son programme d'agrocarburants au Mozambique,  pays confronté à de graves problèmes de sécurité alimentaire, avec 70 % de la population en-dessous du seuil de pauvreté et des émeutes de la faim qui ont causé 13 morts et plus de 300 blessés. La culture d'agrocarburants aggrave encore la situation, les terres arables étant utilisées pour nourrir les voitures d'Européens et non les populations locales. "Un contrat de 100 000 hectares de terres fertiles a été attribué à Tereos pour une durée de 25 ans, avec une possibilité d’extension de 15 000 hectares, et dans des conditions fiscales très avantageuses. L'entreprise dégage ainsi des profits mirobolants alors que la population meurt de faim", déplore Romain Porcheron.

Catégorie  "Mains sales, poches pleines"

Chapeau à  la société générale  pour son rôle dans le financement de l'énergie nucléaire. La banque française coordonne ainsi un consortium de banques privées qui finance, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, la construction du réacteur Angra 3 au Brésil, projet dénoncé pour ses conditions de sécurité défaillantes et sa localisation — à 130 km à l’ouest de Rio de Janeiro et à 220 km à l’est de Sao Paulo. La Société générale est également pressentie pour participer au financement de la centrale de Jaitapur en Inde, sur un site à la jonction entre trois plaques tectoniques.

Prix d'honneur

Un prix Pinocchio d'honneur a en outre été remis à Total "pour l'ensemble de son action", qu'il s'agisse de l'extraction de sables bitumineux au Canada, de pétrole au Nigeria ou le permis d'exploitation de gaz de schiste que l'entreprise vient de décrocher aux Etats-Unis. "Malgré les nombreux avertissements de la société civile, Total poursuit dans la voie des énergies fossiles néfastes pour l'environnement et la santé", remarque Romain Porcheron.

"Une fois de plus, les prix Pinocchio mettent l'accent sur les décalages entre les discours et la réalité, explique le chargé de mission. Grâce à des budgets en communication colossaux, ces entreprises bénéficient de retombées positives en termes d'image auprès de leurs actionnaires, de leurs clients et des citoyens, alors qu'elles ne s'engagent que sur des grands principes généraux peu opérationnels, et ne sont pas redevables de leurs actes en cas de non-respect de ces approches volontaires. Par ailleurs, elles font payer leurs dégâts aux populations les plus démunies, notamment celles du Sud." "Les pouvoirs publics français et européens doivent donc encadrer de façon contraignante les activités de ces entreprises", conclut-il.

Ne pas prendre Pinocchio à la lettre

L'aspect ludique et fédérateur de la démarche de Pinocchio ne doit pas occulter un des grands paradoxes de notre époque moderne. Les grandes entreprises sont la cible privilégiée des écologistes :  s'il est facile et efficace de s'attaquer à  de tels symboles d'opulence, faisant preuve de débauche de moyens pour nous faire avaler des couleuvres, il ne faut pas oublier que la plupart de ces grandes entreprises investissent aussi des budgets conséquents dans quantité  de projets réellement utiles, dont nous vous avons fait part dans ecolopop. Nous retrouvons ainsi notre grand vainqueur du prix Pinocchio dans des projets de lutte contre la déforestation, d'installation d'éoliennes géantes, pour ne citer que les exemples que nous avons relaté. 

Retrouvez tous les gagnants sur http://www.prix-pinocchio.org/