14 janvier 2009

BERLIN, 14 jan 2009 (AFP). Les ministères allemands de l'Environnement et de la Recherche se bagarrent à propos d'une mission scientifique visant à répandre du fer dans les océans pour évaluer leur potentiel comme réservoir de carbone, a indiqué le porte-parole du premier mercredi.

Le ministère de l'Environnement a demandé à celui de la Recherche "d'arrêter immédiatement" un projet germano-indien baptisé LOHAFEX visant à répandre quelque 6 tonnes de fer dans des zones océaniques d'un total de 300 km³ afin d'y favoriser la croissance du phytoplancton, a indiqué son porte-parole Matthias Machnig à l'AFP.

Cette expérience est en contradiction avec le moratoire contre la fertilisation artificielle des océans décidé lors de la Confénce de l'Onu sur la biodiversité en mai à Bonn, avec le soutien prononcé du ministre de l'Environnement Sigmar Gabriel, a expliqué M. Machnig.

"La démarche enterre la crédibilité de l'Allemagne et son rôle de fer de lance dans la protection de la diversité biologique", a écrit par ailleurs M. Gabriel à sa collègue de la Recherche Annette Schavan, selon le quotidien régional Märkische Allgemeine.

L'Institut de recherche polaire allemand Alfred Wegener (AWI), dont le bateau Polarstern a quitté le Cap le 7 janvier avec 48 scientifiques à bord, dont trente de nationalité indienne, invoque une clause de la convention stipulant que le moratoire ne concerne pas "des recherches scientifiques à petite échelle".

"Nous partons du principe que l'AWI et l'Indian Science Council ont vérifié que l'opération ne présentait aucun risque", et par ailleurs "l'AWI s'est mis d'accord en amont avec le ministère de l'Environnement", a affirmé à l'AFP le secrétaire d'Etat au ministère de la Recherche Frieder Meyer-Krahmer.

Lors des deux premières semaines, le bateau, qui doit terminer sa mission le 17 mars à Punta Arenas au Chili, va repérer les zones où sera déversé ensuite le fer devant favoriser le développement du phytoplancton.

Ces microalgues marines jouent un rôle clé dans le niveau mondial de carbone car elles absorbent le dioxyde de carbone situé dans l'eau et l'atmosphère autour d'elles, selon l'Institut.

Après une courte vie, les restes de ces organismes viennent se déposer sur le plancher océanique sous forme de sédiment.

LOHAFEX doit contribuer à une meilleure compréhension du rôle des océans dans le cycle mondial du carbone et permettre de mesurer l'effet potentiel de ces algues sur la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère, souligne l'AWI.

En avril 2007, la revue Nature avait révélé les conclusions d'un vaste programme mené autour des îles Kerguelen en Bretagne: verser du fer dans l'océan serait 10 à 100 fois moins efficace que le processus naturel, 90% du fer versé se perdrait dans l'océan, et l'effet en serait peu durable.

Des effets secondaires sont à craindre, selon certains experts. Le fer est versé sous forme de nanoparticules, dont les effets sur l'écosysteme marin et in fine sur l'atmosphère sont pour l'instant imprévisibles. Certains scientifiques évoquent par exemple une possible réaction chimique qui produirait un gaz à effet de serre, le protoxyde d'azote (N2O), plus dévastateur que le CO2.