21 décembre 2012

On constate depuis quelques années en France le retour progressif de l’éco-pastoralisme que se soit à la campagne, en zone périurbaine ou en ville.  Cette pratique, que l’on désigne aussi parfois comme le « pastoralisme urbain » ou l’« éco-pâturage », consiste à assurer le maintien des espaces verts par des troupeaux de caprins, ovins, équins ou bovins le plus souvent issus de races rustiques.  Alors que cette pratique était tombée en désuétude au profit de l’entretien mécanique et du désherbage chimique après la seconde guerre mondiale, bon nombre de collectivités, entreprises publiques et privées ou particuliers se tournent de plus en plus vers les herbivores pour l’entretien des pelouses, pâtures, friches, berges etc., et ce pour des raisons très diverses.

Ce sont des Moutons de Soay qui assurent l'entretien des abords de la citadelle de Lille (59) - Photo: CC Lamiot
Ce sont des Moutons de Soay qui assurent l'entretien des abords de la citadelle de Lille (59) - Photo: CC Lamiot

L’un des signes de cette renaissance fut peut-être la tenue le 15 Mars 2012 dernier à l’Ecoparc de la Gravelle (53) des premières « rencontres de l’éco-pastoralisme ».  Organisées par l’association Entretien Nature et Territoire et s’adressant aux experts, collectivités territoriales et entreprises privées, cette manifestation avait pour but non seulement d’effectuer un état des lieux de l’éco-pastoralisme en France mais aussi de démocratiser et promouvoir la diffusion de cette pratique.  Fondée en 2010 par Pierre-Alexandre Noury, auditeur en agriculture biologique, la mission de l’association est de conseiller et d’assister collectivités locales ou professionnels qui souhaiteraient réintroduire des herbivores pour la gestion des espaces verts. 

Un rapide tour de France révèle la diversité des domaines d’application de l’éco-pastoralisme (urbain ou non) en tant que stratégie de développement durable:

  • L’entretien mécanique des abords d’entreprises qui disposent d’un vaste terrain est une activité de plus en plus onéreuse en raison de la hausse du prix des carburants.  C’est une des raisons pour laquelle on commence à constater la réintroduction de troupeaux de chèvres et de moutons aux abords des bâtiments commerciaux.  Par exemple, RTE Ouest vient d’introduire 24 Moutons d’Ouessant sur les bandes herbeuses qui entourent le poste électrique de Louisfert (44).  L’entretien de cet espace était jusqu’alors assuré par du gyrobroyage mécanique et l’utilisation de produits phytosanitaires.  Une expérience qui pourrait s’étendre aux 2,500 postes électriques du réseau.
  • Grigny et Viry-Châtillon, deux communes de l’agglomération des lacs de l’Essonne (91), ont introduit une vingtaine de Chèvres des Fossés pour entretenir divers sites et espaces verts non utilisés mais qui nécessitent un entretien régulier.  Plusieurs communautés de communes en France tentent en ce moment la même expérience.
  • Les caprins se révèlent également très utiles pour l’entretien des terrains parfois escarpés et difficile d’accès attenant par exemple aux monuments historiques (remparts, citadelles, douves, châteaux etc.).  Suivant l’exemple de Lille (59), la commune de Montreuil sur mer (62) vient d’introduire neuf moutons et un bélier sur une partie des terrains de la citadelle pour en assurer la « gestion restauratoire ».
  • Depuis une dizaine d’années maintenant, l’opération Pasto’Loire a permis la réintroduction de plus de 800 brebis sur les bords de la Loire et concerne 26 communes en région Centre.  L’Agglomération de Montélimar (26) a mis en place un troupeau de 300 brebis et 20 chèvres le long des rives de deux cours d’eau locaux de Mars à Novembre pour lutter contre l’ambroisie.
  • A Saint-Cast (56) ce sont des chèvres, poneys, Moutons Ouessant et Landes de Bretagne qui entretiennent les espaces naturels difficiles d’accès aux abords du golf de Pen-Guen.
  • Des systèmes de location de caprins aux particuliers se multiplient, comme par exemple Breizh Moutondeurs ou Ecomouton

Dans tous les cas cités, ce renouveau de l’éco-pastoralisme permet la préservation de races anciennes ou en voie de disparition et la création de partenariats entre éleveurs, communes et entreprises privées.  Abandonnées parce que jugées peu productives, les espèces rustiques sont néanmoins beaucoup plus résistantes et s’adaptent très facilement à tous types de terrains. 

Les raisons qui motivent les acteurs publics ou privés à se tourner vers l’éco-pastoralisme sont en fait très variées.  Cette pratique est un moyen peu coûteux de préserver la biodiversité locale puisqu’elle favorise le retour des insectes et de plusieurs espèces d’oiseaux.  Comparé à l’entretien machine ou phytosanitaire, l’impact environnemental de l’éco-pâturage est quasiment nul (pas de gaz d’échappement, pas de bruit, pas de déchets, pas de traitement chimique etc.).  Dans le même temps, la réintroduction de l’éco-pastoralisme est étroitement liée à plusieurs grands projets nationaux issus du Grenelle de l’Environnement comme la Trame Verte et Bleue ou la Stratégie Nationale pour la  Biodiversité (2010-2020).  D’où l’intérêt des collectivités locales et des urbanistes qui intègrent l’éco-pâturage dans leurs politiques d’aménagement urbain ou dans leur approche de l’écologie du paysage.

 

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