24 juillet 2012

On sait que le géant de l’internet Google teste depuis plusieurs années une voiture sans conducteur entièrement automatisée.  Un concept futuriste qui est en passe de devenir réalité depuis que l’état du Nevada a officiellement délivré un permis de circulation à la voiture Google en mai dernier.  Au-delà de l’exploit technologique indéniable, il est tentant d’anticiper dès à présent les changements fondamentaux qu’une telle innovation pourrait apporter dans l’optique d’une adoption massive des voitures sans chauffeur.

La voiture sans conducteur de Google - Source: Wikimedia Commons

Démarré dès 2005, le projet est « piloté » par Sebastian Thrun, ingénieur à Google et directeur du laboratoire d’intelligence artificielle de l’Université de Stanford (Californie).  Comme son nom l’indique, la voiture est équipée d’un système de pilotage automatique qui s’appuie sur les services de cartographie en ligne (Google Maps et Google Earth) et de navigation virtuelle (Google Street View) déjà existants.  Ce sont les différents capteurs (caméras vidéo, instruments de télédétection par laser, radars, récepteurs GPS et odomètres) installés sur le véhicule qui permettent de mettre à jour en temps réel les coordonnées GPS de la voiture par rapport à son environnement immédiat, détecter les objets en mouvement et décrypter les panneaux de signalisation.  L’équipement a été testé sur plusieurs Toyota Prius qui ont parcouru avec succès plus de 225,000 km sur les routes de Californie dans toutes les situations envisageables.  Google a d’ailleurs publié sur YouTube une vidéo étonnante d’un essai de la voiture « conduite » par un non-voyant.

Comme l’a souligné Sebastian Thrun lors d'une conférence TED l’an dernier, la motivation principale est de réduire, voire éliminer totalement les accidents de la route liés aux erreurs humaines.  Le concepteur du projet a justement perdu son meilleur ami à l’âge de 18 ans en raison d’un accident de la route.  Les statistiques montrent en effet que plus de 1,3 millions de personnes dans le monde perdent la vie chaque année dans un accident de la route. En Europe, même si la tendance est en baisse constante depuis plusieurs décennies en raison de normes de sécurité plus strictes, la route fait toujours presque 40,000 victimes par an (source Wikipedia).

Dans l’hypothèse où tous les véhicules sont équipés de capteurs et de système GPS intelligents, un autre avantage escompté des voitures sans chauffeurs est l’élimination totale des embouteillages…ou des feux de circulation aux carrefours, comme le montre la simulation ci-dessous.  Le trafic deviendrait fluide et constant :

 

Source : The Atlantic Cities

Mais le vrai changement que l’adoption massive des voitures sans conducteurs pourrait apporter serait tout simplement la fin de la propriété privée (en ce qui concerne le transport privé en tous cas).  Cette transition est déjà en cours si l’on s’en réfère au succès grandissant des systèmes de covoiturage, d’autopartage ou de location de voitures entre particuliers.  Dans une optique de consommation collaborative, tous les organismes de ce secteur d’activité avancent les mêmes arguments : les voitures sont sous-utilisées (taux d’occupation moyen de 1.7 passagers par véhicule de 4/5 places et taux d’inutilisation entre 96% et 83% si l’on considère qu’un utilisateur va conduire sa voiture entre 1 et 4 heures maximum par jour pour couvrir en moyenne 14,000km par an).  Les voitures individuelles coûtent aussi très cher en entretien, carburant, assurance, place de parking etc. (entre €5,000 et €8,000 par an) [source : covoiturage.fr]. 

Dans le même temps, le secteur des transports publics connait un développement exponentiel depuis plus de 30 ans avec l’amélioration, la diversification et l’optimisation constante de l’offre, la réduction des coûts et la mise en place de tarifs intégrés, l’essor de l’intermodalité et de la multimodalité etc.  Tout en effectuant des économies d’énergie, en réduisant les émissions de CO2, en améliorant la fluidité du trafic, toutes les politiques d’urbanisme et de développement durable du territoire ont pour même objectif de réduire le nombre des voitures individuelles en centres-villes.

Même si Google n’envisage pas de développer commercialement son projet avant plusieurs années en raison des coûts très élevés, pratiquement tous les grands constructeurs automobiles sont aussi en train de tester des systèmes similaires.  On pourrait donc tout à fait envisager à moyen terme le remplacement progressif des voitures individuelles privées par des voitures sans conducteur « publiques » fonctionnant selon le même principe que les systèmes d’autopartage (pour des trajets de porte à porte) et comme alternative supplémentaire à l’offre des transports en commun déjà en place.  Un changement radical en perspective pour l’industrie automobile et le secteur des assurances.