7 septembre 2010

Ushahidi est un terme swahili qui signifie « témoignage », et c’est aussi le nom d’un logiciel libre qui alimente une plateforme web et participative basée sur le principe du « crowdsourcing ».  Néologisme récent et difficile à traduire, le crowdsourcing repose sur l’idée de la mise en commun de l’intelligence et des connaissances d’un grand nombre d’internautes pour mener à bien (et à peu de frais) des projets nécessitant des savoir-faire pointus. Ushahidi est une plateforme de gestion de crises en temps réel qui permet de collecter des informations, de les catégoriser et de les rendre public en les visualisant sur une carte.

Ce logiciel a vu le jour à la suite des violences postélectorales qui ont secoué le Kenya début 2008.  Suite à un black-out médiatique, deux informaticiens viennent en aide à Ory Okolloh, avocate et blogueuse kenyane qui n’arrive plus à faire face à l’avalanche de commentaires sur propre blog devenu une des rares sources d’informations. Un logiciel qui permet de mettre en commun rapidement des informations provenant de sources disparates est rapidement mis en place.  Au vu du succès initial, le logiciel est rapidement distribué avec une licence open-source et devient une plateforme téléchargeable gratuitement.  Ce nouvel espace collaboratif virtuel permet aux internautes d’envoyer des informations provenant du terrain vers une base de donnée unique qui est immédiatement mise à disposition et consultable par le public.  Les informations (texte, photos, vidéos) peuvent être envoyées par SMS, courriel, formulaire web ou même par l’intermédiaire de Twitter.  Elles sont ensuite vérifiées (autant que possible) par une équipe de volontaires.  Soutenu par un système de géo-localisation, la plateforme permet de générer des cartes interactives, donnant la localisation précise des incidents reportés selon le type de crise (violences politiques, séisme, inondation etc), leur nature (incendies, urgences médicales, coupures d’eau et d’électricité, eau contaminé, pénuries, routes barrées, ponts détruits etc)  ainsi que les secours disponibles (distribution d’eau et de nourriture, abris, services de santé etc).  On comprend vite comment une telle application, grâce à l’interface visuelle, peut avoir un rôle crucial dans les situations de crises comme source d’information en temps réel à la fois pour le public et pour les organismes humanitaires sur place.

Depuis son introduction, le logiciel Ushahidi a été utilisé en Haiti lors du tremblement de terre du 12 Janvier 2010, au Chili lors du séisme du 27 Janvier 2010 ainsi qu’en Inde, en Colombie et au Mexique comme outil de prévention des fraudes électorales, sur le territoire de Gaza ou au Pakistan.  Plus récemment, depuis le début de la marée noire qui touche le golfe du Mexique et la Louisiane, l’ONG Louisiana Bucket Brigade publie une carte interactive qui recense tous les incidents liés à la marée noire et ce sur l’ensemble du golfe du Mexique.

Encore peu utilisée en Europe, on voit pourtant que cette plateforme collaborative offre des possibilités illimitées lorsqu’il s’agit de résoudre une problématique complexe et restreinte à un territoire géographique.  C’est aux associations à but non lucratif, aux collectivités locales ou régionales de se servir de cette plateforme pour entreprendre des projets collaboratifs touchant à l’environnement, la politique locale ou le civisme par exemple.  Comme l’explique Clay Shirky, professeur à l’Université de New York et spécialiste des nouvelles technologies de l’information, on observe dans le phénomène Ushahidi la convergence de plusieurs conjonctures :

  • Les récentes avancées technologiques (web, outils et espaces collaboratifs, téléphonie mobile)
  • Le mouvement des logiciels open-source
  • L’essor du volontariat
  • Le crowdsourcing qui s’appuie sur une relation de confiance entre un chef de projet et une communauté
  • Un désir créatif face à des crises complexes qui se manifeste sous la forme de générosité civique