23 avril 2008

Notre assiette, c’est un tiers des émissions de gaz à effet de serre, soit trois fois celles des voitures particulières. Cet impact de l’agriculture et de l’alimentation sur le changement climatique était le sujet du colloque « Agriculture biologique et changement climatique », co-organisé par l’Enita Clermont, ABioDoc et l’AsAFI les 17 et 18 avril 2008, à l’Enita de Clermont- Ferrand. Il a rassemblé les meilleurs spécialistes du sujet  avec 224 professionnels et scientifiques du monde entier.

"Nous avons été surpris que ce soient les français qui organisent un tel colloque ", a confié un scientifique autrichien. "Nous pensions que ce serait les allemands, les suisses ou les danois et, tout à coup, nous avons reçu une invitation des français pour cette rencontre sur l’agriculture biologique et le changement climatique ". Eh bien oui, pour une fois la France a été pionnière sur cette thématique d’actualité en organisant cet évènement, auquel ont participé avec enthousiasme de nombreux professionnels et scientifiques provenant de plus de 20 pays.

Chacun sait que la thématique du changement climatique est cruciale. Etonnamment, comme l’a fait remarquer Nadia Scialabba, représentante de la FAO, les rencontres organisées jusqu’à présent à l’échelle mondiale sur le changement climatique s’intéressent rarement à l’agriculture en dépit de sa contribution majeure et presque toujours sous-estimée au réchauffement de la planète.

Ce colloque a confirmé que l’agriculture biologique émet nettement moins de gaz à effet de serre que l’agriculture conventionnelle, pour plusieurs raisons : pas d’utilisation d’engrais chimiques, dont la fabrication est grosse consommatrice d’énergie, moins d’émissions de protoxyde d’azote (N2O), les apports d’azote étant inférieurs et celui fixé par les légumineuses émettant beaucoup moins de N2O que celui contenu dans les fertilisants, séquestration de carbone plus importante. A l’échelle de la planète, il est apparu que le potentiel de séquestration du carbone dans le sol avec des pratiques agricoles écologiques est considérable, alors qu’il n’est pas pris en compte dans les bilans carbone du GIEC.

Un autre enseignement de ce colloque est le grand potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre aussi bien en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle par la généralisation de techniques telles que le compostage, l’augmentation de la part des légumineuses dans la rotation, un meilleure gestion des apports d’azote, l’augmentation des surfaces en prairies.

L’importance de la prise en compte de l’ensemble de la filière et de nos habitudes alimentaires est également apparue essentielle. Transport, industries alimentaires et distribution sont en effet d’importantes sources d’émissions de CO2. Selon l’Ifen (Institut français de l’environnement), nos  déplacements en voiture pour aller faire nos courses alimentaires sont responsables à elles seules de 11% des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de la filière agroalimentaire !

L’impact considérable de nos choix en tant que consommateurs a également été souligné : l’achat de produits de contre-saison venus par avion, suremballés, prêts à consommer, et plus encore la surconsommation de viande, surtout lorsqu’il s’agit de veau ou de bœuf provenant d’élevages industriels. Lorsque nous mangeons ce type de viande, non seulement nous émettons 40 fois plus de gaz à effet de serre qu’en consommant la même quantité de protéines sous forme de lentilles ou de pois chiches, mais nous contribuons à la déforestation en Amazonie, qui vise principalement à produire de la viande, ou encore du soja pour nourrir – entre autres - les vaches françaises.

Les différentes contributions à ce colloque ont également permis de mettre en évidence la multiplicité des méthodes et la nécessité d’une approche globale. Face à cette complexité, pour Niels Halberg, chercheur danois, vouloir faire converger environnement, bien-être animal, santé, nutrition, fertilité des sols et réduction des gaz à effet de serre amène  à considérer l’agriculture biologique comme une solution devant être favorisée. Pour reprendre une des conclusions de la dernière table ronde : « Est-ce que l’agriculture biologique peut résoudre tous les problèmes, notamment concernant le changement climatique ? Assurément, non, mais c’est ce qu’on a de mieux ! »