22 octobre 2007

En matière d'énergie, les prédictions vont bon train : l'augmentation continue des cours du pétrole depuis plusieurs mois alimente les spéculations, autant financières qu'hypothétiques. D'un coté les industriels, états, et leurs représentants, s'exprimant d'une voix unique par le biais de l'Agence Internationale de l'Energie, tentent de rassurer le bon peuple en avançant de rassurantes prédictions de production croissante pour encore plusieurs décénnies. Mais il semble qu'une autre réalité soit en passe de s'imposer, et il devient de plus en plus difficile de contredire la théorie d'un Peak Oil imminent, voire déjà dépassé : la production mondiale de pétrole aurait-elle amorcé son irrémédiable déclin ?

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infographie : le monde


Si la semaine dernière les cours du pétrole ont affolé les marchés, n'en tirons pas de trop rapides conclusions : en Europe tout va bien, la faiblesse du dollar compense cette folle course vers les 100$. Il est donc tout à fait compréhensibles que les premières pages des quotidiens les plus importants ne se soient préoccupées, tout au long de cette semaine, que d'affaires primordiales affectant la marche de l'économie mondiale : le divorce du président, les grèves des conducteurs de RER... Pendant ce temps toutefois, en Allemagne, le groupement indépendant 'Energy Watch Group', qui rassemble scientifiques et parlementaires, préparait la sortie de son dernier rapport sur l'approvisionnement en pétrole de la planète. Car si l'on peut comprendre que le spectable d'une First Lady choisissant de retourner à la vie civile désole le téléspectateur français au point qu'il en oublie sa facture de chauffage pour l'hiver prochain, la pénurie annoncée de pétrole aura des conséquences vitales qui évidemment portent au delà du confort individuel de quelques dizaines de millions d'endormis.

Fin de civilisation

Les plus alertes d'entre vous auront déjà détecté la teneur du discours. La conférence de presse que tiendront aujourd'hui à Londres les responsables du Energy Watch Group sera volontairement catastrophiste. Adieu l'optimisme des grands de ce monde, Adieu la croissance chère à notre ami Jacques Attali, adieu l'espoir des agro-carburants (Nous en parlerons bientôt), adieu la civilisation : tandis que l'Agence Internationale de l'Energie se base sur les invérifiables réserves annoncées par les pays producteurs, le Energy Watch Group se base, plus prosaïquement, sur les données quotidiennes de production, c'est à dire en moyenne à l'heure actuelle, 81 millions de barils par jour . Ce qui est inférieur -de près de 1%- à ce qu'a produit en 2006 la planète, à savoir une moyenne 82 millions de barils par jour. La réduction annuelle de production pourrait rapidement atteindre 7%, selon le Energy Watch Group. L'affirmation selon laquelle le déclin de la production au niveau mondial est déjà entamé est conforté de toutes parts chez de nombreux observateurs indépendants. James Schlesinger, ancien secrétaire à la Défense des USA et ancien directeur de la CIA, fait partie lui aussi des catastrophistes et annonçait récemment à Cork, lieu de vie de Colin Campbell, autre international spécialiste de la question : "The battle is over, the oil peakists have won".

La question qui se pose aujourd'hui est donc celle d'un changement radical à négocier le mieux possible : nourriture, habitat, transports, travail, rien n'échappe à l'omniprésence du précieux liquide noir dont la raréfaction annoncée depuis plusieurs années se concrétise inexorablement. "Le système économique mondial est à l'aube d'un changement structurel", écrit le rapport du groupe d'étude indépendant de l'industrie pétrolière, contrairement aux groupes d'études et d'agences telles que l'AIE, ou le CERA.L'économiste britannique David Fleming, invité par l'Energy Watch Group, avance que la raréfaction des ressources pétrolières ne sera pas sans conséquences sociales. "On pourrait aisément assister aux mêmes scènes d'agitation sociale de masse que celles survenues en Birmanie ce mois-ci", met-il en garde. Une référence au soulèvement populaire qui avait pour origine le mécontentement des habitants après une hausse surprise et massive des prix des carburants. L'économiste alerte en outre sur le risque d'"effondrement social", si les gouvernements ne préparent pas la transition vers les autres sources d'énergie.